1. En toutes lettres…
Cent ans de littérature à la NRF
du 12 février au 12 avril 2009
Le 1er février 1909, six écrivains unis de longue date, la bande des six, pour le dire irrespectueusement, ou le club, on disait alors « le circuit », publient une nouvelle revue dont l’idée avait germé l’année précédente dans la maison de Gide à Cuverville, en Normandie. Cent ans plus tard, La Nouvelle Revue Française est toujours vivante. En célébrer ainsi le centenaire montre combien ce coup d’éclat reste un événement. L’aventure, commencée sous forme de revue, développée en maison d’édition, au tout début de l’entreprise sous le nom de « comptoir », puis, en 1911, d’Éditions de La NRF, pour aboutir en 1919 à la création de la société « Librairie Gallimard », s’est identifiée à tel point aux Lettres françaises que François Nourissier a pu définir le XXe siècle français comme le « siècle NRF », de même qu’on baptisa le XIXe de « siècle Hugo »…« Hugo, hélas ! », soupira Gide, ce qui est aussi bien révélateur de l’ambition nouvelle.
Ce qui redouble l’événement du centenaire a été la décision d’en organiser la commémoration à la Fondation Martin Bodmer, sous la direction d’Alban Cerisier, commissaire de l’exposition. Ce n’était donc pas à Paris, mais à Cologny. Mais un même esprit ne réunit-il pas, parmi mille autres raisons, la Bibliotheca bodmeriana, dédiée à la Weltliteratur selon le concept de Goethe, et La Bibliothèque de la Pléiade, elle-même conçue comme une bibliothèque de littérature universelle ?
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2. Trésors du siècle d’or russe,
de Pouchkine à Tolstoï
du 16 mai au 13 septembre 2009
L’exposition, conçue par Georges Nivat, présente pour la première fois hors de Russie un choix d’œuvres mythiques conservées à la Maison Pouchkine de Saint-Pétersbourg. Pour la première fois aussi au monde, sont rassemblés en une même exposition les témoins des deux cultures russes : de fabuleux manuscrits enluminés créés en plein XIXe siècle dans les villages du Nord de la Russie, parmi les paysans du Pomorié, de la côte de la Mer Blanche, du côté d’Arkhangelsk, qu’on appelle les Vieux-Croyants, y côtoient un ensemble exceptionnel de manuscrits et de dessins des grands écrivains russes.
Une longue dramaturgie s’installait sur la scène morale et intellectuelle de la Russie, nourrie par le rapprochement impossible entre les deux moitiés hostiles de l’âme russe, la Russie d’avant, celle de la culture populaire cachée, des enluminures des monastères et des Vieux-Croyants, et la Russie du grand miracle du XIXe siècle, le miracle littéraire d’une culture nobiliaire que découvrirent l’Europe et le monde dans la deuxième moitié du XIXe siècle et qui s’incarne pour tous les Russes dans le génie d’Alexandre Pouchkine, « le soleil de notre poésie » (1799-1837), véritable créateur de la langue littéraire russe, épris à la fois de romantisme et de beauté classique, fondateur de tous les genres, lyrisme, théâtre, roman, nouvelle, ouvrant la voie au fantastique comme au réalisme psychologique, incarnant la culture européenne d’alors avec toute la force du caractère national russe. L’Âge d’or de cette littérature allait durer tout au long du XIXe siècle, de Pouchkine à Tolstoï, les deux pôles entre lesquels oscille l’âme russe, Pouchkine et son acceptation joyeuse de la vie, Tolstoï et sa fuite hors du monde.
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3. Orient-Occident.
Racines spirituelles de l’Europe
du 21 novembre 2009 au 4 avril 2010
L’exposition cherche à répondre à la question de savoir ce qui constitue notre commun patrimoine au fil des siècles. Retrouver nos racines nous expose à la réalité d’une histoire composite où se sont interpénétrées depuis la Grèce et Rome jusqu’à l’humanisme, la Renaissance et la Réforme des traditions antiques, judaïques, chrétiennes et musulmanes. Alexandre avait uni un temps l’Orient et l’Occident, de la Macédoine jusqu’à l’Indus, en passant par l’Egypte et l’Iran. Rome contribua ensuite à helléniser le monde sur lequel s’étendit son empire autour du bassin méditerranéen. On ne dissocie pas plus Athènes, Rome et Jérusalem qu’on n’efface le rôle civilisateur de ces foyers que furent tour à tour Alexandrie, Byzance, Bagdad, Tolède, Padoue, Oxford, Paris, Bologne, Florence et Cordoue, sans parler de tant d’autres lieux aujourd’hui oubliés, tels Nisibe, Harran ou Mistra.
Si exclusifs les uns des autres que s’affichent la Torah, la Bible et le Coran, ces textes fondateurs ont été lus, commentés, diffusés, réfutés sur le plan de la rationalité grâce à l’héritage commun qui venait des Grecs et de la philosophie. Aristote avait doté les esprits des outils conceptuels qui permettaient de penser. Averroès, Maïmonide, Thomas d’Aquin se référaient à lui avec la certitude que la Raison qui argumentait le débat était commune à tout homme.
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Quant aux certitudes de la Foi, où la Vérité, parce qu’elle se déclare révélée, se fait intransigeance, elles n’en ont pas moins été nourries de part et d’autre et fécondées par les traditions religieuses issues du Platonisme, de l’invention grecque de l’immortalité de l’âme dans le Phédon et de leur pensée de l’unité du divin. Dans l’ordre de la spiritualité aussi bien que de la rationalité, ce terreau commun à l’Orient comme à l’Occident a permis l’éclosion des plus belles œuvres de l’esprit humain. Dans son célèbre Divan, Goethe déclarait : « L’Orient et l’Occident ne peuvent être séparés ».
Mais rien n’est plus probant que de découvrir en un même lieu les témoins écrits de ces mouvements de transmission, de traduction, d’appropriation, de reformulation, d’échanges et de débats qui jalonnent notre histoire commune et forgent, dans sa complexité et sa diversité, l’unité de notre culture. Ainsi se trouvent réunis le plus ancien Évangile conservé en entier (IIe s.), le Livre des morts des Anciens Égyptiens, les Thèses de Martin Luther, le Phédon de Platon dans un manuscrit latin préparant et annonçant la Renaissance, l’Apocalypse illustrée d’Albrecht Dürer, le Commentaire sur le De anima d’Aristote par Averroès, et une Torah andalouse.
L’exposition puise largement dans le fonds de la Bibliothèque de Martin Bodmer, mais accueille aussi des merveilles venues de la Bibliothèque de Saint-Gall et de la Bibliothèque juive « Gérard Nordmann ». Il s’y ajoute des objets archéologiques inestimables, d’art romain, byzantin, islamique, issus d’une collection privée. Des photographies originales noir et blanc en grand format dues à Frédéric Möri, commissaire de l’exposition et historien des religions, mettent en scène des lieux significatifs qui donnent corps à la géographie spirituelle complexe dessinée par les œuvres.
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