1. Mignonne, allons voir… Fleurons de la bibliothèque poétique de J-P. Barbier-Mueller
du 5 mai au 22 juillet 2007
Dans une salle souterraine de la Fondation Martin Bodmer s’ouvre la caverne aux trésors, hantée de muses, gardée par les portraits de Ronsard et Cassandre, placée sous le patronage bienveillant de Pétrarque. « Aux trésors », le pluriel est indispensable, tant chaque œuvre présentée est une merveille dont il semble que les facettes précieuses soient infinies. Penchez-vous sur un ouvrage et, de son histoire à celle de son auteur, à celle de son propriétaire, à celle de son collectionneur et bien entendu à son contenu littéraire, vous suivez un fil qui vous entraîne dans des dédales somptueux. Fil dévidé par Nicolas Ducimetière, conservateur du Musée Barbier Mueller, qui a apporté toute son attention à chaque détail, de la thématique de chaque vitrine, à son éclairage, à la musique de fond (mise en musique de poèmes de Ronsard, dont vous retrouvez encore la partition). Bibliophiles, amoureux de la poésie, de la littérature, de l’histoire même (les poètes de l’époque gravitant dans l’entourage des rois, Charles IX, Henri III, Henri IV…, s’enflammant pour ou contre la Réforme…), voilà une exposition émouvante et indispensable, à laquelle il convient de consacrer quelques heures pour laisser l’esprit vagabonder et s’émerveiller.
Pour comprendre à quel point chaque aspect des pièces présentées est précieux, il est fortement recommandé de suivre une visite commentée et pour continuer à rêver les yeux ouverts chez soi, d’acquérir le catalogue préfacé par Jean d’Ormesson, et auquel Nicolas Ducimetière a apporté toutes ses lumières et sa passion.
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2. Illuminations d’Arménie
du 15 septembre au 30 décembre 2007
Objets même de l’écriture, manuscrits et livres n’ont jamais cessé de fasciner les Arméniens. Dans la tradition arménienne, le manuscrit est un trésor à l’image du monde. En dépit d’une histoire tourmentée, où les périodes de domination ont été beaucoup plus nombreuses que les périodes d’indépendance, les Arméniens ont su développer un art raffiné de la codicologie et de l’enluminure, à l’intérieur des différents scriptoria de la Grande Arménie, de Cilicie (du XIIe au XIVe siècle), d’Iran, ainsi que dans les colonies occidentales et orientales. Les manuscrits sont aussi le signe tangible de la continuité du peuple arménien à travers les siècles. Ils proviennent notamment du monastère de Gladzor, la « seconde Athènes », des régions d’Artsakh et de Nakhitchevan, des centres du Vaspourakan dans la région de Van, des villes de Cilicie (Sis, Skevra et Hromkla), d’Iran (Sultanieh) et des colonies arméniennes de Crimée et d’Italie. L’histoire des manuscrits arméniens est aussi celle d’une aventure qui a donné aux textes toujours plus de valeur à chaque fois qu’un humble copiste leur dédiait sa force et son temps.
En plus des Bibles, des Evangiles, des hymnaires, des lectionnaires et des recueils d’œuvres des Pères de l’Eglise, toute une section de l’exposition est consacrée aux manuscrits d’œuvres profanes : philosophie, médecine, musique, astrologie.
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Cette exposition de manuscrits arméniens, la première organisée en Suisse, a réuni, sous la direction scientifique et éditoriale du professeur Valentina Calzolari, un choix important provenant de la « Bibliothèque » par excellence, le Matenadaran (le « dépôt de livres ») d’Erevan, qui compte à ce jour au moins 14 000 manuscrits, presque la moitié de la totalité du fonds arménien, de la collection arménienne de la Bibliothèque nationale de France et du monastère des pères mekhitaristes de l’île de San Lazzaro à Venise. Pour la première fois, encore, sont présentés l’ensemble des manuscrits arméniens, inédits pour la plupart, des collections publiques genevoises (Bibliothèque de Genève, Bibliothèque de la Fondation « Saint-Grégoire l’Illuminateur » de Troinex).
Temple de l’écriture, le livre n’est pas sans rappeler les monuments de pierre qui ont conservé la parole de Dieu et qui furent sa maison. Si l’écriture arménienne a sa forme propre, les églises ont aussi une architecture unique qui fut, dès le début, l’une des plus avancées. Une partie de l’exposition et du catalogue est ainsi consacrée aux anciennes églises d’Arménie (VIIe siècle), vues et présentées à travers une série originale de photographies d’art prises sur place par un historien de l’art et de l’architecture sacrés, Régis Labourdette, révélant la vision architecturale de la Croix mystique dans les églises arméniennes du VIIe siècle qui font converger vers un carré central surmonté d’une coupole les quatre bras d’une croix, réalisant ainsi la quadrature du cercle et résolvant la tension entre l’humain de l’Incarnation et le divin de l’Ascension.