Reflet de la collection du Musée d’art et d’histoire de Genève
En regard de l’exposition Trésors enluminés de Suisse (3 mars ‒ 9 juillet 2023), la Fondation Martin Bodmer a invité le Musée d’art et d’histoire (MAH) à s’associer à l’évènement en investissant leur espace permanent. Cette présentation est l’occasion de renouveler les liens étroits entre les deux institutions à travers des œuvres médiévales qui instaurent un dialogue avec le remarquable héritage transmis par les manuscrits réunis au sous-sol. Ce sont ainsi près de cent pièces du MAH qui prennent place dans les vitrines de la Fondation, offrant la possibilité aux visiteurs de découvrir le Moyen Âge à travers une vaste typologie d’objets, des plus précieux aux plus quotidiens.
À côté de l’écrit, vecteur majeur d’une connaissance érudite, ces œuvres ‒ objets d’usage, emblèmes du pouvoir ou expression de la spiritualité ‒, remises au goût du jour au début du XIXe siècle dans le sillage de la redécouverte romantique du Moyen Âge, sont venues nourrir la connaissance de la période. Le développement de l’archéologie, de la conservation du patrimoine et de l’histoire en tant que disciplines scientifiques fait naître un intérêt particulier dans la seconde moitié du siècle pour tout ce qui est considéré comme médiéval au sens large. Collectionneurs, érudits et conservateurs de musées vont bâtir de vastes ensembles d’objets dont les institutions publiques sont aujourd’hui les héritières. Parfois réunis, suivant la mode du moment ou par inclination personnelle, selon des critères typologiques ou matériels, ces corpus – non exempts des inévitables copies et faux suscités par la forte demande des amateurs – font se côtoyer art et artisanat, tout en révélant les liens étroits entretenus avec l’Orient et les riches échanges de savoir qui unissent les deux mondes.
Au moment de la création du MAH en 1910 sont regroupées des œuvres médiévales provenant de diverses institutions genevoises, notamment la Bibliothèque de l’Académie (Bibliothèque de Genève), le Musée archéologique, le Musée académique et le Musée Fol, qui constituent le premier ensemble de la collection du Moyen Âge du musée. Parallèlement, le musée reçoit en don la collection médiévale de Jean-Jacques Rigaud (1785-1854), homme d’État dévoué à la chose publique et passionné d’art ancien, et lui dédie une salle en hommage. D’autres donations généreuses, en particulier celle d’Alice Baird en 1926, et de nombreux achats contribuent par la suite à enrichir ce noyau d’œuvres occidentales, auxquelles s’ajoutent peu à peu des œuvres orientales, byzantines et coptes par exemple. Quant à la collection de l’ancien musée dit Salle des Armures, qui rejoint également le MAH en 1910, elle comprend une belle série d’armes médiévales. Fort riche et représentative de l’art et de la société du Moyen Âge, la collection du musée réunit ainsi des peintures, des sculptures, des vitraux, des ivoires, du mobilier, de l’orfèvrerie, de l’émaillerie, des bijoux, des armes et des objets usuels, que ce soit dans les domaines religieux ou civil.
Représentatives de la constitution de la collection du MAH, les pièces exceptionnelles retenues pour la Fondation Martin Bodmer illustrent des thématiques emblématiques d’un Moyen Âge à la fois réel et fantasmé : armes et armures évoquant la figure du chevalier, objets de parure et art courtois, représentations sacrées liées à la spiritualité chrétienne. La présentation met également en exergue quelques ensembles caractéristiques de la production de cette époque : émaux, ivoires, sceaux. Enfin, un regard contemporain posé sur certaines pièces de la collection crée des rapprochements formels, le visiteur étant ainsi invité à s’approprier l’univers médiéval dans toute sa variété.
Commissaire de l’exposition : Alexandre Fiette, conservateur au Musée d’Art et d’Histoire de Genève (MAH)